On va pas se mentir, l’ambiance générale est badante et le climat rien qu’au niveau local est assez anxiogène. Bon, je vais pas vous faire la liste des plaies qui se sont abattues sur l’humanité cette année – z’avez les chaînes d’infos continues pour ça – mais à vue de nez on a largement dépassé la dizaine rien qu’à mi-parcours. Et comme les calamités arrivent toujours en espadrilles – c’est à dire, soit légères avec une semelle de chanvre tressée, soit dans la gueule - voilà que la France est submergée par des « humoristes ». Selon le dernier bulletin en date, les vannes sont grandes ouvertes (lol) : inondations record dans un déluge de blagues malgré un temps calme en début de siècle, suivies de quelques pluies éparses et enfin, averses continues sans aucunes éclaircies prévues à l’horizon.

 

Vous me direz, te plains pas du déluge mec ; sans précipitations intermittentes pas de spectacle permanent, donc pas de chroniques et forcément pas d’argent. Vous avez bien raison de me le rappeler ; sans comedy club, mon frigo serait plus vide qu’un sketch de (mettez le nom de qui vous voulez). Mais tout de même, j’ai une question : est-il sain de rire tout le temps quand on ne peut rire au final que des mêmes choses ? Perso, en humour comme en apéritif, je suis pour une décroissance voulue plutôt qu’une récession subie. Alors, en partant du constat que plus l’ambiance est daubique plus l’offre comique est astronomique et identique, j’arrive à la conclusion contre-intuitive qu‘en réduisant notre consommation de pitres interchangeables, le moral national remonterait en flèche. Im-pa-rable.
Pour préserver ma bonne humeur et celle de la patrie par la même occasion, je ne me dégourdis dorénavant les zygomatiques qu’avec des shows d’exception. Et, s’il y a bien une artiste d’unique dans son genre (non-binaire), c’est bien Shirley Souagnon. Déjà, en voilà une pour qui le mot « woke » n’est ni un plat, ni une injure et la déconstruction encore moins un truc de feignasse. Le racisme, le machisme et l’homophobie ? Disons que ça lui parle pas mal comme vu qu’elle les subit beaucoup. Légitime donc pour elle de casser les rouages des inégalités en décortiquant sur scène les mots de la discrimination comme ses propres contradictions de femme / noire / lesbienne /artiste / entrepreneuse dans son génial seule en scène Monsieur Shirley.

Avec son tout nouveau spectacle, Shirley Souagnon poursuit ses ambitions encyclopédiques en se lançant un nouveau challenge : trouver avec l’aide du public la meilleure définition possible d’«être humain». Quelque part entre les confessions intimes de Rousseau et les confidences caustiques de George Carlin, elle vient titiller une fois de plus nos petits paradoxes comme nos grandes incohérences en racontant en mots et en images cette expérience hors norme qu’est notre petite vie sur Terre. Eh bien croyez-moi, en cette période où les Droits Humains Fondamentaux sont menacés, cette quête de sens joyeuse, collective et généreuse m’a (presque) redonné foi en l’espèce !  D’ici la fin de notre monde, je ne sais pas si Shirley aura le temps de trouver une dèf correcte pour notre humanité mais en ce qui concerne le stand-up, elle a magistralement plié le game et la salle en deux.